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31 janvier 1578 Bataille de Gembloux

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31 janvier 1578  Bataille de Gembloux Empty 31 janvier 1578 Bataille de Gembloux

Message  Eric Ven 31 Jan - 9:55

Le 31 janvier 1578, l'armée espagnole, sous la direction de Don Juan d'Autriche et Alexandre Farnèse, dans une bataille auprès d Gembloux (en wallon Djiblou, en néerlandais Gembloers), écrasa l'armée de 16 des Dix-Sept Provinces des Pays-Bas, qui s'étaient conciliées entre elles dans la Pacification de Gand. Cette défaite accéléra la dissolution de l'unité des provinces rebelles. L'année suivante, le duc de Parme, Alexandre Farnèse, réussit à concilier au roi d'Espagne et son gouverneur-général, les provinces du sud-ouest : le Hainaut,  l'Artois, la Flandre française et Cambrai, dans le cadre de l'Union d' Arras.

Le contexte .

On sait que les préjugés absolutistes de Philippe II avaient exaspéré le peuple, comme le zèle de l'Inquoisition avait renforcé l'Eglise réformés, le mouvement de ceux que par dérision l’on avait appelés les Gueux, s’amplifia et devint une vraie révolution au début de 1567. Philippe II envoya d’abord aux Pays-Bas le duc d’Albe, dont la répression fut cruelle, tandis que Guillaume d'Orange organisait au nord une opposition armée efficace. Le remplacement du duc d’Albe par Luis de Requesens apporta quelque apaisement, mais à sa mort, l’anarchie s’installa; les États des principautés du sud s’allièrent à Guillaume, tandis que les soldats espagnols rebellés mettaient Anve(rs à feu et à sang. Les choses en étaient là lorsque le roi d’Espagne nomma son demi-frère, don Juan d’Autriche, au poste de gouverneur général des Pays-Bas. Homme de guerre, d’un tempérament emporté, ce prince était auréolé du prestige de sa victoire contre les Turcs à Lepante. Sa position était pour le moins inconfortable; il dut en arrivant signer à Marche l’Édit perpétuel et concéder le départ des troupes espagnoles, puis user de charme et avaler bien des couleuvres pour être reconnu comme gouverneur et entrer à Bruxelles. Cependant, sa situation devint rapidement très délicate, car le feu de la révolte couvait toujours, attisé par Guillaume d’Orange, et il dut laisser la capitale à celui-ci, à qui les États se rallièrent. Venu à Namur pour saluer la reine argot, qui allait prendre les eaux à Spa, don Juan s’assura le château, le 24 juillet 1577, par un coup de main audacieux. La ville mosane devint ainsi par la force des choses une sorte de réduit loyaliste, où allaient se retrancher les organes du pouvoir, tandis que le reste des Pays-Bas était en révolte, allant jusqu’à offrir son gouvernement à l'archiduc Mathias, jeune frère de l'empereur Rodolphe. Trois jours avant la bataille, Mathias écrivait à Philippe II, le priant de rappeler don Juan pour éviter à ses sujets de nouvelles guerres… Fin 1577, les États auraient alors pu s’assurer sans peine tout le pays, puisque don Juan ne disposait pratiquement plus d’aucune troupe, d’autant que le roi son frère interdit d’abord à son gouverneur à Milan de lui envoyer du renfort : Philippe II espérait-il encore une issue pacifique, ou voulait-il plutôt mettre dans l’embarras un frère dont les succès lui faisaient ombrage ? Toujours est-il que les révoltés tergiversèrent, se dispersant en querelles, cherchant des appuis, notamment auprès d’Elisabeth d’Angleterre.

Les forces en présence .

Début décembre, don Juan, cantonné à Luxembourg, reçut enfin le renfort de quelques troupes espagnoles, trois mille fantassins et quinze compagnies de cavalerie : elles avaient emprunté la traditionnelle route d’Espagne, par Milan , la Franche-Comté et la Lorraine. En quelques semaines, le gouverneur renforça alors plus sérieusement son dispositif militaire. Alexandre Farnèse, prince de Parme, arriva fin décembre à Luxembourg, après une marche forcée depuis la Lombardie; il précédait une armée de 6 000 hommes, marchant en plusieurs corps : il s’agissait de troupes aguerries, formées d’Espagnols et d’Italiens qui avaient combattu aux confins du duché de Gênes et se réjouissaient de redorer leur blason en Flandre; s’y ajoutèrent 4 à 5 000 hommes levés en Lorraine par le comté de Mansfeld. Des Wallons se trouvaient dans cette armée, originaires sans doute pour l’essentiel du Luxembourg et de Namur, provinces contrôlées par don Juan. Ceci mettait le prince espagnol à la tête d’environ 18 000 fantassins et 2 000 cavaliers. Ces soldats avaient mis des emblèmes religieux à leurs drapeaux, avec l’inscription In hoc signo vici Turcos, in hoc signo vincam et hereticos (Par ce signe, j’ai vaincu les Turcs, par ce signe, je vaincrai aussi les hérétiques) ; ils avaient aussi été bénis par le pape Grégoire XIII, qui voyait en eux l’armée de la foi véritable envoyée combattre l'hérésie et s’étaient réconciliés avec Dieu avant de s’avancer en pays rebelle.
Cette confusion entretenue à dessein entre l’hérésie et l’insoumission au roi d’Espagne était un mensonge, car l’armée des États était aussi formée pour l’essentiel de catholiques et commandée par des seigneurs qui l’étaient tout autant. Des régiments wallons en constituaient la plus grosse part, même si s’y trouvaient aussi des Français, six compagnies d"Allemands et dix-sept d'Ecossais et d’Anglais; ceux-ci, commandés par le colonel Balfour, avaient été envoyés par Guillaume d’Orange et ils étaient assez mal vus de leurs compagnons d’armes en raison de leur ferveur protestante. Cette armée était d’une force numérique au moins égale à l’armée de don Juan; certaines sources espagnoles lui donnent même un net avantage numérique : 25 000 hommes face à 17 000. Selon Strada, l’armée du roi moindre qu’on ne le croyait, celle des ennemis plus nombreuse, les troupes des États se grossissant sans cesse d’aventuriers attirés par une espérance de butin que la discipline de l’armée espagnole rendait plus aléatoire.
Cette question du rapport des forces est du reste secondaire, car la bataille n’a été menée, du côté espagnol, que par une partie réduite des effectifs et c’est ce qui la rend remarquable ; ensuite, les deux armées n’étaient guère comparables, pas plus que leurs moyens et leur commandement. D’un côté en effet, les soldats de métier des Tercios, dont le cuir s’était durci à de multiples batailles, commandés par les capitaines les plus redoutés d’Europe, des Tolède, Farnèse, Mansfeld, Martinengo, Bernardino de Mendoza ou Octave de Gonzague, tardivement mais correctement pourvus en cavalerie et en artillerie. Parmi ces noms, n’oublions pas la figure haute en couleurs de Cristobal de Mondragón, qui malgré son grand âge – près de 74 ans ! –, prit part à la fameuse charge de cavalerie…
De l’autre côté, l’armée des États, mal équipée, disparate et mal dirigée. Le comte Georges de Lalaing, seigneur de Rennenberg, qui assumait le commandement des troupes rebelles, avait rejoint la rébellion deux ans plus tôt et était devenu en 1577 stadhouder de Frise, Groningen et Drente. On l’a souvent décrit comme un chef sans autorité ni prestige ; l’année même de Gembloux, il allait cependant donner encore du fil à retordre aux Espagnols, leur enlevant Kampen et Deventer. L’ennui, c’est qu’au jour de la bataille, il était à Bruxelles pour assister au mariage du baron de Beersel et de Marguerite de Mérode, "tryumphant chà et là en grandissimes bancquetz", selon le mot de Strada dans l’ancienne traduction de Durier ; l’y accompagnaient Philippe de Lalaing , Robert de Melun vicompte de Gand, commandant de la cavalerie et Valentin de Pardieu, grand-maître de l'artillerie, Strada a raillé ces généraux fuyant le rude hiver hesbignon, comme si la rigueur de la saison leur eût ôté le courage et qu’ils ne fussent vaillants qu’en été.
Aux derniers jours de janvier, l’armée des États était donc sous le commandement d’Antoine de Goignies, seigneur de Vendege. Ce vieux capitaine avait servi sous Charles-Quint ; il avait commandé la cavalerie espagnole et participé à la campagne contre le roi de France Charles IX, avant de passer aux révoltés, comme tant d’autres. Ses lieutenants avaient suivi la même voie, tels Maximillien de Hennin-Liétard, comte de Boussu (1542-1578), qui avait servi sous le duc d’Albe et Frédéric Perrenot de Granvelle, sire de Champagney, homme tellement arrogant que don Juan avait conseillé à Philippe II de le faire assassiner. Philippe d’Egmont, fils aîné du supplicié de Isse et Guillaume de la Marck, seigneur de Lumey, complétaient l’état-major.

Les approches

Sa correspondance nous apprend que don Juan se trouvait encore à Luxembourg le 18 janvier. Il était à Marche le 23 et adressait un courrier à son demi-frère Philippe II pour se plaindre du manque de vivres. La misère de ce pays est telle, écrivait-il, que si M. de Hierges tarde encore sept jours, on ne saura que devenir. Sans l’armée qu’il a amenée, il est impossible d’avancer. On ne peut se fournir de l’artillerie nécessaire, on n’a pas d’argent. Que fera-t-on si l’ennemi refuse le combat ? La détresse est telle qu’il ne reste d’autre décision possible. On ne peut marcher à un but certain, parce qu’on manque du nécessaire, artillerie, munitions, vivres et argent. Le gouverneur se plaignait aussi de l’indécision du roi, qui accroît l’audace des méchants et diminue celle des bons.
Les renforts arrivèrent cependant, et don Juan regagna rapidement Namur, probablement le 29 janvier ; son premier soin fut de déloger les confédérés des postes qu’ils avaient établis aux environs de la ville, dont ils avaient d’abord projeté le siège. Les premières troupes y avaient cependant déjà pris position, car une lettre d’Octave de Gonzague à Philippe II, datée 24 janvier affirme qu’il ne faut pas s’attendre à ce que les États attaquent le camp de Bouge et que s’ils le faisaient, ce serait pour l’armée royale une occasion de remporter un succès. Certains ont assuré que don Juan n’avait établi que plus tard ce camp de Bouge pour protéger son armée d’un retour en force des confédérés : ce document prouve le contraire et est important pour comprendre le déroulement des faits. Quant à l’armée des Gueux, établie d’abord à Temploux, elle était plutôt mal en point. Une maladie décimait la troupe, le moral était au plus bas et les soldats refusaient de marcher sans aller remonstrer aux États la pauvreté qu’il y a entre les soldats ; ils espèrent à leur retour avoir paiement et savoir ce qu’ils feront. Strada a écrit que le 12 janvier, elle s’était déplacée vers Saint-Martin et les environs d’Émines en raison de l’incommodité de la position face à la cavalerie. On verra plus loin l’étrangeté d’un tel déplacement vers une position faible, et à une distance de l’ennemi réduite de moitié. Quoi qu’il en soit, l’approche du gros des troupes espagnoles causa quelque émoi : l’armée affaiblie et privée de son haut commandement décida de se retirer à Gembloux. Trop tard pour attaquer Namur, ce qui eût pu être fait à coup sûr les semaines et mois précédents. Gembloux était aux mains des États depuis septembre 1577, leur armée ayant fait prisonnier Katterbach, commandant de la place, et sa compagnie d’Allemands. Ce mouvement de retraite commença le 29 janvier après-midi, s’il faut en croire la lettre du comte de Rœulx à don Juan, datée de ce jour : Oultremont s’est trouvé à ceste heure vers moy me dire que ce matin, a eu deux rapports que les ennemis ont dès hier après-disner faict partir leur artillerie et bagaiges avecq leurs malades qui sont en grande quantité et tirent vers Gyblou, toutefois, qu’il est arrivé sept compaignies de peonniers et besongnent encore aux trenchyz. Don Juan était informé par ses espions de l’absence des principaux chefs ennemis. Privé encore de l’essentiel de son armée, toujours au sud de la Meuse, il lui fallait garder une certaine prudence ; il n’avait avec lui que six compagnies de cavalerie légère et cinq d’arquebusiers à cheval, avec une infanterie de mille arquebusiers et deux cents piquiers. Un régiment de Wallons gardait les bagages : sans doute étaient-ils jugés moins fiables pour combattre les leurs ; on les verra cependant entrer en scène à la fin de la bataille. En homme de guerre avisé, au soir du 30 janvier, et malgré ce faible effectif, celui qu’on appelait l’Autrichien devait cependant penser qu’il y avait quelque parti à tirer de la situation.

La folle journée

Le dernier dudict mois de janvier 1578, aprez que le camp desdictz Estats généraulx, soubz ledict seigneur chief général d’armée comte de Lallaing, eus testé entretenu à peu d’advancement contre ledict don Jean, icelluy camp se leva d’auprès la ville de Namur, environ les neuf heures du matin, tirant vers Gembloux, rapporte le chroniqueur anonyme édité par Blaes. Le gros de l’armée des États ne quitta donc son campement qu’à l’aube du vendredi 31 janvier, après avoir mis le feu à ses baraquements et replié ses tentes. L’ordre de la marche a été décrit dans le détail par Strada. L’avant-garde était menée par Emmanuel de Montigny et Guillaume de Heez, composée surtout des pionniers, soutenus par Villers et Fresnoy, capitaines des mousquetaires à cheval. Le comte de Boussu et le sire de Champagney commandaient le centre de la colonne, qui comptait un régiment wallon, trois compagnies de Français et treize d’Ecossais et d’Anglais, protégeant le reste des bagages et de l’artillerie. L’arrière-garde devait partir enfin avec les seigneurs d’Egmont, de la Marcq, composée des cuirassiers et des meilleurs soldats, groupés à l’arrière de l’armée par peur d’une poursuite ; toute la cavalerie protégeait les arrières et le flanc de l’armée, commandée par le marquis d’Havré, frère du duc d’Aarschot et par le maréchal de camp, le comte de Goignies en personne. On s’était levé tôt également dans le camp espagnol, où l’on avait appris le mouvement de l’adversaire par deux espions entretenus chez l’ennemi par d’Outremont. Don Juan envoya d’abord quelques troupes pour reconnaître les chemins, sonder les bois proches et s’assurer le contrôle des deux défilés où il devrait passer pour rejoindre l’ennemi : deux corps de cavaliers français, espagnols et allemands partirent de Bouge par des directions différentes, l’un commandé par Antoine Olivera, l’autre par Octave de Gonzague. L’infanterie devait suivre la voie ainsi ouverte. Le second passage était particulièrement étroit et incommode, de sorte que la première troupe fut obligée de se déporter sur la droite : elle rejoignit ainsi la deuxième, et la cavalerie réunie alla plus avant au contact de l’ennemi. Entre-temps, l’infanterie avait passé le premier défilé, et don Juan arriva sur une position assez élevée, commode à la fois pour voir l’ennemi et pour communiquer avec ses troupes. Voyant sa cavalerie suffisamment avancée, il lui envoya l’ordre de s’arrêter.
La cavalerie des États se trouvait alors sur une hauteur bordée de bois et de pâturages. Elle reculait prudemment, tout en provoquant les Espagnols, qui avançaient toujours. Des escarmouches s’ensuivirent, le théâtre du combat s’éloignant de l’infanterie, passant du plateau à un nouveau lieu pentu, à peu de distance du précédent. Inquiet sans doute de voir sa petite armée s’étirer, don Juan envoya sur la droite un corps de cuirassiers en soutien et fit fortifier sa position ; il envoya un éclaireur, qui put se rendre compte de la situation : l’arrière-garde de l’armée ennemie pouvait gêner le mouvement de sa propre cavalerie, mais quelques régiments wallons occupaient sur l’aile gauche un site commode, qui pouvait embarrasser les Espagnols. Cependant, le prince de Parme avançait de plus en plus vite, acculant bientôt la cavalerie ennemie contre un ruisseau étroit et tortueux, dont les abords marécageux rendaient la traversée difficile. La situation n’était pas sans danger : l’arrière-garde de l’armée des États était maintenant toute proche, séparée du combat par un chemin et quelques clôtures de champ disposées en guise de défense, mais très insuffisants. Un capitaine de Gonzague, du nom de Perote ou Perotti Saxoferrat, s’était bravement, mais imprudemment avancé ; craignant que cette action n’amène une riposte massive de l'armée adverse, Gonzague lui envoya un messager avec l’ordre de reculer. Le messager arriva au mauvais moment et employa le mauvais ton : indigné, parce qu'il pensait qu’on le traitait de lâche, Perote répondit qu'il n’avait de sa vie tourné le dos à l'ennemi, et que même s'il le voulait il ne pourrait pas !
Farnèse s’était entre-temps approché des lieux du combat et se rendit compte que Gonzague et Mondragon s’étaient tellement avancés qu’ils ne pouvaient sans un évident danger ramener leur cavalerie. Il eut à prendre une décision en un instant. L’ennemi lui sembla hésitant, sa marche désordonnée : selon certains, on pouvait voir le tremblement de ses lances ! Alors que don Juan le réclamait à ses côtés, il décida d’attaquer avec les deux escadrons encore frais qu’il avait sous ses ordres, à l’aile gauche de l’armée. Il arracha sa lance à un page et montant sur un cheval plus puissant que Camillo de Monte tenait en réserve, il se retourna vers les siens et s’écria : Allez au général autrichien et dites lui qu'Alexandre, à l’exemple de l'ancien Romain, s’est jeté dans un gouffre pour en faire sortir, par la faveur de Dieu et la fortune de la maison d'Autriche, une certaine et grande victoire ! Et les chroniqueurs de décrire, sur ces nobles paroles du héros qui allait vaincre ou mourir, les incendies martiaux qui s’allumaient dans ses yeux et sa bouche.
Négligeant le danger, les cavaliers suivirent son ordre et se lancèrent à leur tour dans le ravin. L’Histoire a retenu le nom des officiers qui menèrent cette charge qui compte parmi les plus mémorables : ce sont, entre autres, Bernardino de Mendoza, Mondragón, Juan Baustista de Montagne, Curtius de Martinengo, Fernando de Tolède, Enrique Vienni, Alonso d’Arga, Georges de Macuta, Olivera. Ces charges sauvages mirent en fuite la cavalerie ennemie, qui ne pouvait faire face à de tels guerriers, possédés par le dieu Mars. La charge mena les Espagnols de l’autre côté du vallon, où ils rencontrèrent une large campagne et traversèrent un chemin.
Du côté des confédérés, ce fut une honteuse panique devant cette attaque inattendue et c’est en vain que le jeune comte d’Egmont tenta de rallier ses troupes : la course effrénée de la cavalerie en déroute la jeta sur sa propre infanterie, y sema un désordre indescriptible et la disloqua sans que les Espagnols dussent même s’en mêler. Farnèse obtint de don Juan de profiter de cet avantage : les cavaliers se reformèrent et chargèrent lances baissées, ruarent d’une furie su la riergarde desdictz du camp des Estatz, qu’estoient grand partie Escochoys avecq quelques Walons et Franchoys, qui se défendirent vaillamment en leur monstrant teste, écrit un témoin. Malgré ses efforts, Goignies ne put cependant reformer son armée. Rarement, écrit un chroniqueur, on n’a mieux connu combien la cavalerie peut contribuer aux victoires ou déroutes des armées : tout le plateau qui s’étend au sud de Gembloux fut le théâtre d’un immense massacre. Trente compagnies de fantassins et quatre de cavaliers se rendirent à don Juan, terrorisées, et les Espagnols se saisirent de l’artillerie et des bagages qui n’étaient pas encore à l’abri. Montigny et Balfour tentèrent de rallier quelques troupes au sud et à l’est de Gembloux, dans les jardins qui bordaient la ville. Les Écossais ne semblent pas avoir été les moins pugnaces des confédérés. La référence de l’évêque Lelley aux Scoti nudi pugnantes (Écossais qui auraient combattu nus), a curieusement fait entrer cette bataille de 1578 dans la petite histoire des habitudes vestimentaires. L’historien britannique D.T. Dunbar en a prudemment conclu que les highlanders, à l’exemple des Romains, portaient une chemise lourde et longue dont ils nouaient les pans entre les cuisses, moins par crainte du froid que par pudeur ; il n’y a guère là nudité propre à frapper les imaginations, mais on s’en tiendra à cette pudique version par pitié pour ces valeureux Écossais en kilt soumis aux rigueurs de l’hiver… Quoi qu’il en soit, don Juan attaqua ce dernier carré, avec deux compagnies espagnoles sur la droite et des enseignes wallons sur la gauche.
Le lieu de ce combat a été commémoré au XVIIIe siècle par la construction de la Chapelle-Dieu, que l’on voit toujours route de Mazy ; dans le mur d’enceinte, une pierre gravée rappelle l’événement. La résistance aurait pu se prolonger quand la réserve de poudre à canon explosa, tuant des hommes, provoquant une nouvelle panique. Montigny et Balfour, ce dernier grièvement blessé, parvinrent à s’enfermer dans Gembloux avec deux mille hommes et de l’artillerie. Quant au reste de l’armée, elle se dispersa et la poursuite dura jusqu’au soir, menant hommes et chevaux jusqu’à Wavre. Les quelques troupes débandées qui parvinrent à la faveur de la nuit à échapper au massacre se réfugièrent à Bruxelles et Grammont ; Eytzinger affirme avoir été témoin de cette fuite. Le chef de l’armée des États en cette terrible journée, le maréchal de camp Antoine de Goignies, fut fait prisonnier alors qu’il changeait de monture. Il fut mené à don Juan, qui lui tint des propos sévères, lui montrant comment le ciel punissait ceux qui se révoltaient contre leur Dieu et leur roi ; Goignies, sans se départir d’une attitude de soumission et de respect, répondit simplement qu’il n’avait jamais combattu contre Dieu .

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Dernière édition par eric1 le Ven 31 Jan - 12:53, édité 7 fois (Raison : nds)
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31 janvier 1578  Bataille de Gembloux Empty La bataille de Gembloux -Suite

Message  Eric Ven 31 Jan - 12:56

Les lieux de combat.

Où donc cette bataille, dite de Gembloux, se déroula-t-elle au juste ? La question est loin d’être évidente. D’abord parce que ce fut essentiellement une bataille de mouvement, et qu’en une journée, des troupes de cette importance occupent un large terrain, font du chemin, ensuite parce que les sources sont assez imprécises. Aucun des auteurs relatant la bataille n’est explicite quant aux noms des lieux ; Strada et Eytzinger en donnent cependant une description relativement précise, le second davantage que le premier, ce qui est normal puisqu’il affirme s’être trouvé dans les environs à ce moment.
Il est d’abord question de deux défilés à franchir pour joindre l’ennemi : en partant du camp de Bouge, il devrait assez clairement s’agir du fond d’Arquet puis de la vallée de Frizet. Cette dernière, à environ 2,5 kilomètres de Bouge, s’est révélée trop étroite pour la cavalerie, qui a dû se déporter sur la droite : en effet, la vallée, encaissée du côté de Namur, s’adoucit quand on remonte vers Vedrin. Cet obstacle franchi, don Juan établit son poste d’observation sur une position élevée, d’où il pouvait voir l’ennemi ; un lieu semble s’imposer : la hauteur où se trouve le fort d’Émines qui, à une altitude de 190 mètres, domine relativement le terrain vers le nord-ouest et l’ouest.
Les choses se compliquent quand on en vient à l’épisode du ravin et de la charge décisive, qui est lié aux positions de l’armée des États. Selon Strada, l’armée confédérée s’était déplacée près d’un village nommé Saint-Martin, à cinq lieues ou environ des troupes de don Juan. Il y avait en effet jadis un petit village du nom de Saint-Martin, au bord du ruisseau, un peu plus bas que la belle ferme qui en a seule conservé le nom et existait d’ailleurs déjà en 1578. La distance concorde, et semble exclure l’autre bourg de Saint-Martin, à l’ouest de l’Orneau, situation qui aurait pourtant une logique stratégique. Le fossé fatidique qui séparait les cavaliers de Gonzague de l’arrière-garde ennemie aurait donc dû se trouver entre les deux positions. Or, ce n’est pas le cas : c’est à peine si les ruisseaux de Saint-Lambert et du Hoyoux forment là une légère déclivité. L’autre hypothèse formée par Namêche, le fond de la Maroûle, qui s’amorce au sud de la hauteur d’Émines, semble aussi à exclure : cette ravine est sèche, peu pentue, et surtout ne correspond pas aux descriptions des faits, puisque ses deux côtés doivent avoir été contrôlés très tôt par les troupes espagnoles et qu’elle ne mène qu’à la vallée plus profonde du Hoyoux et non à un chemin et un vaste espace où l’armée confédérée aurait pu prendre position.
Il n’y a qu’un seul lieu correspondant à ces descriptions unanimes d’un ruisseau étroit aux abords marécageux, serpentant au fond d’un profond ravin : c’est précisément la vallée du Hoyoux, mais à environ deux kilomètres au sud de Saint-Martin, aux alentours des châteaux de la Falize et d’Artet. La correspondance est même frappante, mais un problème apparaît, et de taille : cette vallée franchie, on arrive aux environs de Suardée et Temploux, bien visibles d’ailleurs depuis la position supposée de don Juan, où se serait donc trouvé l’essentiel de l’armée confédérée. Mais n’est-ce pas là la solution de l’énigme ? Bien des arguments plaident en ce sens. D’abord, si Goignies devait en effet avoir placé une part de son armée aux environs d’Émines, position nécessaire pour protéger une retraite vers Gembloux et défendre l’accès de cette place, pourquoi aurait-il déplacé toutes ses forces en un endroit si exposé et si proche de l’ennemi alors que plus à l’est, il était protégé par les pentes de la Sambre et du Hoyoux ? Ensuite, la longueur d’une retraite entamée l’avant-veille et la lourdeur du dispositif ont-ils un sens vu la courte distance – moins de dix kilomètres – qui sépare Saint-Martin de Gembloux, d’autant qu’il n’existait là aucune menace sur les flancs et que l’ancienne route de Namur facilitait la marche ? Enfin et surtout, d’après les mémoires du temps, cette bataille de Gembloux est d’abord celle de Temploux. Gramaye, dans son Namurcum, se réfère au triumpho Templutensi. L’historien anversois a recueilli ses informations vers 1603 auprès de notables namurois : si pour ceux-ci, l’épisode de 1578 était resté le triomphe de Temploux, ce n’est certainement pas sans raison…
Pour la suite, les choses sont plus simples : la meurtrière poursuite de l’armée en déroute fut menée sur toute la largeur des champs et bosquets qui s’étendent de cet endroit, où l’arrière-garde se trouvait encore, et jusqu’à Gembloux, où l’avant-garde devait être arrivée : Bossière, Beuzet, Lonzée, jusqu’aux portes de la ville, lieu des derniers combats commémorés par la Chapelle-Dieu.

Le àe Gombloux

Le soir même du 31 janvier, la ville fut investie, tandis que don Juan établissait son camp à l'abbaye d'Argenton, à une petite lieue des remparts. Les habitants et les soldats réfugiés se préparèrent au siège dans la fièvre que l’on devine, espérant un retour de l’armée des États, qu’on leur promit s’ils tenaient trois semaines : les bourgeois besoingnoient en diligence jusques aux enffans pour fortifier iceux rempars de bolewers par hors la ville, assure Strada, dans la même traduction de Durier. Gembloux redoutait un sac comme elle en avait bien connu déjà en son histoire ; selon les archives de l’abbaye, citées par Namêche, les religieux craignaient spécialement pour leur vie au cas où la fortune des armes eût fait tomber Gembloux entre les mains du duc d’Autriche.
Don Juan somma la ville de se rendre, mais les habitants répondirent fièrement qu’ils n’avaient et n’auraient rien de commun avec les Espagnols. Le prince fit alors venir quatre mortiers de Namur, s’apprêtant au bombardement de Gembloux. Ce voyant, le 2 février, l’abbé comte Lambert Hancart écrivit à l’Autrichien pour demander à négocier. Don Juan fit rapidement connaître ses conditions : il autorisait les religieux à rester dans la ville s’il n’avait pas à en faire le siège et s’engageait à interdire le pillage à ses soldats, les privant de ce droit traditionnel des assiégeants. Les soldats assiégés auraient la vie sauve et pourraient se retirer librement, à condition de jurer de ne plus porter les armes contre le roi, les étrangers pendant un an, les nationaux à jamais. Les premiers auraient ainsi été expulsés vers le pays de Liège, les autres envoyés dans le Hainaut. S’ils faut en croire une lettre de don Juan à sa garnison de Limbourg, les soldats défendant la place auraient été au nombre de trois mille. Seuls douze prisonniers de marque seraient retenus, dont les seigneurs de Goignies, de Bailleul et de Havré, qui seraient conduits à Namur.
Une telle clémence était inattendue, et ces conditions furent immédiatement acceptées : Adrien de Bailleul en informa le colonel Mondragón. En effet, le sac fut épargné à Gembloux. Le 5 février, l’abbé rencontra don Juan, auprès de qui il justifia sa conduite ; le prince l’écouta avec bienveillance et le laissa aller en paix en se recommandant aux prières de ses religieux. La capacité qu’avait Gembloux de soutenir un siège est controversée. La chronique de l’abbaye laisse entendre que la ville ne se serait pas rendue si facilement si elle avait eu les moyens de se défendre; les autres sources affirment généralement que la quantité d’armes et de munitions que l’armée y avait accumulées était considérable, et qu’elle suffit à approvisionner les troupes espagnoles pendant plusieurs mois. Sans doute les provisions ne devaient-elles pas être considérables, vu la grande disette qui frappait l’armée des États. Dès le deux février, don Juan réclamait de nouveau par courrier le ravitaillement de son armée, mais il est vrai que Gembloux ne lui ayant pas encore été ouvert, il devait en ignorer les ressources.

31 janvier 1578  Bataille de Gembloux Aaa_ba11

Bataille de Gembloux


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